Ce n’est plus 12.000 à 19.000 barils de brut par jour qui s’échapperaient du puits endommagé de l’ancienne plateforme de forage Deepwater Horizon depuis le 20 avril, comme indiqué il y a deux semaines, mais au moins 25.000 à 30.000 barils quotidiens. La fourchette haute de la nouvelle estimation publiée par le groupe technique américain va même jusqu’à 40.000 barils par jour.
Ce sont les chiffres donnés par l’une des équipes du groupe technique qui se base sur l’analyse des vidéos du puits sous-marin fournies par BP. Une seconde équipe, qui utilise les images satellites pour calculer les quantités de pétrole visibles en surface, aboutit à une estimation de 12.600 à 21.500 barils quotidiens. Deux autres équipes du groupe technique (Flow Rate Technical Group, FRTG) poursuivent leur modélisation et fourniront bientôt leurs résultats.
En s’en tenant à l’estimation prudente de 25.000 à 30.000 barils quotidiens (3.300 à 4.000 tonnes), on aboutit à une quantité globale de 140.000 à 168.000 tonnes de brut larguées dans le Golfe du Mexique entre le 20 avril et le 3 juin (à cette date BP a installé un entonnoir sur le puits et a commencé à récupérer du pétrole) (1). Si l’on retient la fourchette haute, on atteint déjà les 228.000 tonnes. Sans compter ce qui continue à s’échapper du puits même depuis que l’entonnoir a été installé. Certains experts ont même craint que le flux augmente. Le FRTG va réaliser une autre estimation à compter du 3 juin.
Au quotidien, la gravité de cette marée noire est donc comparable à celle de 1979, provoquée par l’explosion de la plateforme IXTOC-1 au large du Mexique, avec une fuite estimée entre 10.000 et 30.000 barils par jour. En espérant que le puits de BP soit colmaté plus rapidement: la marée noire de l’IXTOC a duré du 3 juin 1979 au 23 mars 1980.
La particularité de l’accident de Deepwater Horizon est cependant sa profondeur: le puits est situé à 1.500 mètres sous le niveau de la mer. Le pétrole, plus léger que l’eau, remonte et reste en surface lorsque la source est peu profonde. En grande profondeur, où la température est plus faible et la pression plus forte, le scénario est différent : des études avaient montré qu’une partie du brut pouvait rester sous l’eau.
En l’occurrence, la présence de nappes sous-marines dans le Golfe du Mexique a été confirmée par des équipes scientifiques embarquées à bord de navire de recherches. Deux nappes d’hydrocarbures ont été repérées à 78 km du puits, l’une à 400 mètres de profondeur, l’autre entre 1.000 et 1.400 mètres. Dans les deux cas, la concentration d’hydrocarbures est faible, inférieure à 0,5 mg par litre selon les analyses de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration).
Du gaz et du pétrole s'échappant du dôme de confinement placé par BP sur le puits. (Image TV du 10 juin 2010/Reuters/ BP)
Une nappe a été repérée depuis un autre navire, au sud-ouest du puits, entre 1.100 et 1.300 mètres. Les effets de ces nappes diluées sur l’écosystème sous-marin sont encore inconnus, de même que l’usage de produits dispersants sous l’eau au début de la marée noire. Aux États-Unis les équipes scientifiques déploient leurs moyens très rapidement pour évaluer toutes les conséquences de cette marée noire, la pire que ce pays ait connu.
Cécile Dumas
Sciences et Avenir.fr